Le très médiatique ambassadeur français aux États-Unis Gérard Araud juge que « l’avenir de la démocratie libérale » se joue dans l’élection présidentielle française, et met en garde contre l’extrême droite et la gauche radicale « qui nient les valeurs de la démocratie ».
Réputé pour son franc-parler, M. Araud, qui part à la retraite à l’été, a accordé un long entretien au quotidien de gauche Libération jeudi, où il s’exonère largement du devoir de réserve des diplomates.
« Nous sommes à un moment où nous devons écouter notre conscience. J’ai ma conscience, et elle me dit que cette élection n’est pas une élection comme une autre. Que le Front national n’est pas un parti comme un autre », juge-t-il.
M. Araud avait déjà apporté son soutien en mars à son collègue au Japon Thierry Dana qui avait publiquement annoncé qu’il refuserait de « servir » la dirigeante du Front National d’extrême droite Marine le Pen si elle était élue.
« Il y a quand même un ADN du FN, une généalogie du FN. Le père de Marine Le Pen considérait il n’y a pas si longtemps que les chambres à gaz étaient un +détail de l’histoire+ et que l’occupation allemande avait été une partie de plaisir (…) C’est un choix de société, pas un parti politique comme un autre », estime M. Araud.
« On ne normalise pas l’extrême droite. On ne normalise pas l’extrême gauche. On ne normalise pas des partis qui, en réalité, sont des partis qui nient les valeurs de la démocratie », ajoute-t-il, en comparant Mme Le Pen à Donald Trump et le tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon à Bernie Sanders, rival d’Hillary Clinton pour l’investiture démocrate l’an dernier.
« On est dans la même logique de renverser la table », analyse-t-il.
« L’avenir de la démocratie libérale » est en jeu dans la présidentielle, estime l’ambassadeur, qui met en garde contre le projet de sortie de l’UE porté par le FN et, dans une moindre mesure, par Jean-Luc Mélenchon.
« Revenir sur l’UE, c’est revenir à l’Europe des nations libres, c’est à dire l’Europe de 1939 », avertit-il.
« Ses déclarations n’engagent que l’intéressé », a réagi le Quai d’Orsay, précisant qu’aucune autorisation n’avait été demandée pour cette interview.
A trois jours du premier tour, Marine Le Pen et son concurrent centriste Emmanuel Macron sont donnés en tête des intentions de vote, suivis de près par le conservateur François Fillon et Jean-Luc Mélenchon. Le sprint final s’annonce d’autant plus serré que les pronostics se situent dans la marge d’erreur.
Avec AFP