Présidentielle: abstention et indécis peuvent faire pencher la balance

Crédit AFP/Archives – By GEORGES GOBET

Une abstention qui s’annonce élevée et le niveau inédit de ceux qui ne savent toujours pas pour qui ils vont voter sont l’une des clés du premier tour de la présidentielle, au terme d’une campagne décevante qui alimente l’incertitude sur l’issue du scrutin.

Le 23 avril, les Français se presseront dans les bureaux de vote pour élire leur nouveau président comme ils l’ont toujours fait sous la Ve République. Cette année pourtant, ils devraient être moins nombreux qu’il y a cinq ans et beaucoup hésitent encore sur le choix d’un candidat.

Une indécision logique tant le cru 2017 a été riche en bouleversements. A une semaine du vote, seuls 68% (Ifop) des inscrits sur les listes électorales se disent certains d’aller voter, un pourcentage en légère augmentation ces dernières semaines mais qui laisse entrevoir une forte abstention.

La présidentielle reste l’élection phare de la vie politique française avec habituellement autour de 80% de participation. En 2012, 79,5% des électeurs se sont déplacés au 1er tour. Seule exception, en 2002, l’abstention record (28,4%) avait favorisé l’accession de Jean-Marie Le Pen, candidat du Front national, au second tour. Une performance que Marine Le Pen compte rééditer cette année dans des circonstances semblables.

« Aucune enquête n’a jamais su mesurer le niveau de l’abstention. Par contre, elles en mesurent bien les ressorts et les raisons », tempère Jean Chiche, chercheur au CNRS rattaché au Cevipof (Sciences Po), qui s’attend « à ce qu’on soit dans les eaux de 2002 ».

La campagne marquée par les affaires judiciaires a attisé le rejet des politiques d’une partie de l’électorat. Des candidatures nouvelles, comme celle d’Emmanuel Macron, et un contexte politique inédit où, pour la première fois sous la Ve, la droite et la gauche proprement dite pourraient être absentes du second tour, ont également bousculé les repères traditionnels et laissé des électeurs dans le flou.

– Problème de visibilité –

« Il y a un problème de visibilité avec une campagne de transition entre une organisation ancienne de l’espace politique bipolaire (droite-gauche) et une nouvelle organisation, avec un pôle FN, un pôle centriste, qui fait que des gens sont un peu dissuadés d’aller voter », souligne Emmanuel Rivière (Kantar Sofres).

Aux abstentionnistes traditionnels, aux déçus des derniers quinquennats, s’ajoute une proportion jamais vue d’indécis qui ne se reconnaissent plus dans le clivage droite-gauche et peuvent passer d’un candidat à l’autre. « Cette volatilité, le fait que les gens soient de plus en plus défiants, perdus dans leurs repères politiques, font que les niveaux de participation resteront imprévisibles jusqu’au jour du vote », avance Jean Chiche.

Selon les dernières enquêtes, entre un tiers et 40% des électeurs d’Emmanuel Macron ou de Jean-Luc Mélenchon peuvent encore changer d’avis.

Dès lors, un faible taux de participation peut favoriser les candidats dont le socle électoral est le plus solide. En premier lieu Marine Le Pen, mais aussi François Fillon, dont autour de 80% des électeurs se disent « sûrs de leur choix ».

Interrogés par BVA sur les raisons de leur hésitation, les indécis disent attendre d' »être pleinement convaincus » (37%) ou ne pas trouver de candidat qui corresponde à leurs attentes (36%). 24% hésitent simplement « entre deux candidats ».

L’hésitation des électeurs tranche avec l’intérêt qu’ils portent à la campagne. Jusqu’à 80% d’entre eux (Kantar Sofres) se disent en effet intéressés. L’indécision n’est pas l’abstention et les hésitants constituent un vivier de plusieurs millions d’électeurs qu’il s’agit de convaincre.

Les derniers jours de campagne peuvent-ils mobiliser les électeurs ? « Les gens sont très intéressés par la campagne, mais ils la jugent d’une qualité déplorable », résume Chloé Morin (Fondation Jean-Jaurès): « Est-ce qu’ils se diront finalement que les enjeux sont tellement importants qu’il faut aller voter ? »

Avec AFP

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