Ni Le Pen ni Macron, voire Le Pen plutôt que Macron: la droite catholique conservatrice repousse tout « front républicain » face au FN au second tour de la présidentielle, frustrée par l’élimination de François Fillon, champion de ses valeurs familiales « non négociables ».
Quand la plupart des ténors Les Républicains, à commencer par François Fillon, appelaient dimanche soir à faire barrage à l’extrême droite, Sens commun s’est démarqué. Cette émanation de la Manif pour tous – le mouvement qui a combattu la loi sur le mariage gay en 2013 – au sein du parti, et fervent soutien du candidat, a opté pour un ferme « ni-ni ».
« Comment choisir entre le chaos porté par Marine Le Pen et le pourrissement politique d’Emmanuel Macron? », a dit son président Christophe Billan à l’hebdomadaire Famille chrétienne.
Le son de cloche était proche chez le président du Parti chrétien démocrate et ancien candidat à la primaire de la droite Jean-Frédéric Poisson: le PCD « ne peut se résoudre à confier le pouvoir ni à ceux qui veulent prendre le risque insensé de couper la France du monde, ni à ceux qui veulent la voir désintégrée dans un grand tout uniformisé, régi pas les seules lois du marché ».
La fondatrice de ce petit parti, Christine Boutin, est allée plus loin. « Emmanuel Macron, jamais! », a affirmé l’ex-ministre de Nicolas Sarkozy. En estimant « possible » de voter pour Marine Le Pen si elle « s’engage sur trois points fondamentaux: la préoccupation vis-à-vis de la personne humaine et des plus fragiles en particulier, l’abrogation de la loi Taubira (sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels, NDLR) et une Europe renouvelée ».
– Marine Le Pen en « épouvantail » –
Pour le politologue Yann Raison du Cleuziou, spécialiste des réseaux catholiques, le refus de choisir exprimé par Sens commun s’explique aisément.
« Il y a une logique stratégique: ils ne peuvent pas appeler à voter Marine Le Pen sans perdre tout le crédit qu’ils ont acquis, le bénéfice de leur soutien à François Fillon depuis la primaire. Ils confirmeraient toutes les caricatures qu’ils ont tenté d’esquiver ». « D’un autre côté, ils ne peuvent pas non plus appeler à voter Macron sans perdre la légitimité qui leur vient de la Manif pour tous et de son combat pour la famille », ajoute-t-il. Car sur ces sujets, le candidat d’En Marche! est vu comme le successeur de François Hollande et « proche du lobby LGBT ».
Mais « une partie des catholiques observants », proches de la Manif pour tous, « va aller vers Marine Le Pen, dans l’idée que les +points non négociables+ exprimés par le pape Benoît XVI sur la défense de la vie et de la famille priment toutes les questions économiques », anticipe le politologue. La nièce de la candidate FN, Marion Maréchal-Le Pen, est « particulièrement bien vue dans ces milieux-là ».
Pour Jean-Pierre Denis, directeur de l’hebdomadaire chrétien La Vie, « l’énorme frustration » de certains militants est à la mesure des attentes placées dans le candidat Fillon, vu comme un « véhicule pour remettre les thèmes catholiques conservateurs au coeur de l’action politique ».
« Ce courant porteur d’un retour d’une droite des valeurs n’a pas disparu mais va avoir fort à faire dans les règlements de comptes à venir », estime cet observateur.
Cependant, relève-t-il, les catholiques pratiquants réguliers constituent « un électorat de droite plutôt modérée ». Un électorat qui a « conscience de la différence de nature entre la culture démocrate-chrétienne de François Bayrou (soutien du candidat d’En Marche!, NDLR) et le libéralisme postmoderne d’Emmanuel Macron, mais qui continuera à voir Marine Le Pen comme un épouvantail ».
De fait, au premier tour, les pratiquants réguliers n’ont accordé à la fille de Jean-Marie Le Pen que de 12 à 16% de leurs suffrages, selon des études Ifop et Harris Interactive publiées lundi. Derrière Emmanuel Macron, qui pointait entre 16 et 19% chez ces électeurs.
Avec AFP