La première tâche principale de l’Assemblée nationale élue en juin sera d’autoriser, ou non, le gouvernement d’Emmanuel Macron à légiférer par ordonnances, une procédure assez courante pour permettre à l’exécutif d’éviter de longs débats, mais qui reste mal vue des parlementaires.
Le recours aux ordonnances est prévu par l’article 38 de la Constitution de 1958.
Le Parlement vote d’abord une loi d’habilitation, qui précise sur quels sujets et pendant quelle période le gouvernement peut prendre des ordonnances. Celles-ci sont adoptées en Conseil des ministres, après avis (consultatif) du Conseil d’État, et signées par le président de la République.
En 1986, durant la première cohabitation, François Mitterrand avait cependant refusé de signer les ordonnances de son Premier ministre Jacques Chirac, prévoyant la privatisation de 65 groupes industriels. Ce dernier l’avait alors accusé de « s’opposer à la volonté des Français ».
Une ordonnance entre en vigueur dès sa publication au Journal officiel, mais elle doit être ensuite ratifiée par le Parlement, faute de quoi la loi devient caduque.
Même s’il ne débat pas des textes, le Parlement est donc consulté au début et à la fin de la procédure, d’où l’enjeu des élections législatives de juin pour Emmanuel Macron.
M. Macron a évolué sur le sujet au cours des derniers mois. « Je ne crois pas une seule seconde aux cent jours et à la réforme par ordonnances », déclarait-il le 25 novembre 2016.
Mais début avril, il justifiait ce recours pour modifier « dès l’été » plusieurs points du droit du travail, y voyant le moyen « d’accélérer les débats ».
Critiqué par les syndicats et la gauche, ce recours aux ordonnances reste sensible, y compris au sein de la nouvelle majorité présidentielle, puisque François Bayrou a concédé lundi « une différence » avec Emmanuel Macron.
« Les ordonnances, c’est une méthode dans laquelle on fait le constat que les choses sont bloquées (…) Moi je suis persuadé qu’une élection comme celle-là débloque les choses », a-t-il plaidé.
La plupart des gouvernements de la Ve République y ont eu recours, invoquant comme M. Macron l’urgence des mesures à prendre, à commencer par le général de Gaulle et son Premier ministre Michel Debré en 1960 pour maintenir l’ordre en Algérie.
En 1982, Pierre Mauroy (PS) s’en est servi pour instituer les 39 heures, la 5ème semaine de congés payés et la retraite à 60 ans, puis l’année d’après pour entériner le plan signant le tournant de la rigueur.
En août 1993, durant la deuxième cohabitation, Edouard Balladur a utilisé cette procédure pour réformer les retraites.
Alain Juppé (RPR) l’a utilisée en 1996 pour sa réforme très contestée de la Sécurité sociale, tout comme Dominique de Villepin pour son « plan d’urgence » pour l’emploi en 2005.
Plus récemment, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont tous deux recouru aux ordonnances. « Entre 2004 et 2013 (10 années), 357 ordonnances ont été publiées sur le fondement de l’article 38, soit 2,3 fois plus que le nombre d’ordonnances publiées entre 1984 et 2003 (20 années) », note un rapport du Sénat.
Nombre d’ordonnances servent aussi à transposer des directives européennes.
Avec AFP