« Femme » et « mère », la candidate d’extrême droite à la présidentielle française Marine Le Pen a pleinement joué la carte pro-femmes dans la campagne électorale, sans toutefois convaincre les féministes.
A coups d’interviews à des magazines féminins, de tracts intimistes, celle qui, à 48 ans, s’est qualifiée le 23 avril pour le second tour de l’élection face au centriste Emmanuel Macron, a tenté de séduire les électrices – plus de 52% du corps électoral.
« Je suis une femme (…), je suis une mère (…), je suis une Française », met-elle en avant systématiquement.
« Je suis une avocate », ajoute-t-elle dans un clip de campagne, blonde, douce, souriante sur des images parfois au ralenti, feuilletant des albums de photos de famille. Avec un discours musclé en fond: « insécurité », « souffrances », « choix de civilisation ».
C’est aussi tout sourire qu’elle figure sur un dépliant couleurs destiné « à mieux la faire connaître ». Elle y proclame: « Je veux défendre les femmes françaises », se présente comme « une femme de coeur », une femme politique « dans un monde d’hommes », parle de ses enfants, de ses soeurs.
Et la candidate qui, il y quelques années, raillait les avortements « de confort » et voulait supprimer leur prise en charge, ne pipe plus mot sur le sujet.
Le vote Front national (FN) a longtemps été une affaire d’hommes, mais les choses changent. Selon une enquête Ipsos menée à la veille du premier tour, 24% des électeurs et 20% des électrices disaient vouloir voter pour Marine Le Pen. Cette différence de quatre points se retrouve chez l’electorat du tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon (21%-17%), mais pas dans les autres partis.
Pour Virginie Martin, spécialiste du FN, Marine Le Pen, femme moderne, en couple avec un des vice-présidents du parti, deux fois divorcée, mère de trois enfants, entourée de responsables homosexuels, « a permis de lever le tabou d’un vote FN pour les femmes ». Son style tranche avec celui de son père, Jean-Marie, ancien président du Front, à l' »image patriarcale » qui attirait les électeurs « en demande de leader viril », « plutôt typés jeunes et masculins ».
– ‘Tabou levé’ –
Pourtant, ce parti « reste un parti anti-républicain, anti-féministe. Non, Marine Le Pen n’est pas la candidate des femmes ! », s’insurge « Osez le féminisme », l’une des associations farouchement hostiles à sa candidature, avec le Planning familial, le Collectif national des droits des femmes, les Femen…
Le programme de la patronne de l’extrême droite compte une proposition (sur 144) intitulée « défendre les droits des femmes ». Elle y met en exergue « lutter contre l’islamisme qui fait reculer leurs libertés fondamentales », avant « mettre en place un plan national pour l’égalité salariale femme/homme et lutter contre la précarité professionnelle et sociale ».
Rebecca Amsellem, fondatrice des Glorieuses, une newsletter féministe, y voit un « prétexte », « pour tenir des propos xénophobes », comme Marine Le Pen l’avait fait « après Cologne ». Dans cette ville de l’ouest de l’Allemagne, des centaines de femmes avaient subi des agressions, commises pour l’essentiel par des migrants, la nuit du Nouvel an 2016.
« Ne soyons pas dupes, Marine Le Pen n’est pas une militante des droits des femmes. Elle est même un danger quand on voit qu’à l’Assemblée nationale, son parti a voté contre les textes comme la loi égalité professionnelle », dit la responsable des Glorieuses qui, avec le mouvement Women’s March Global a lancé une campagne #VoteAgainstHate #VoteContreLaHaine.
Eurodéputée depuis 2004, Marine Le Pen n’a voté que pour trois textes de l’UE en faveur de la cause des femmes sur 59, contre 17 autres, s’abstenant 7 fois et étant absente en 32 occasions, selon une enquête de la chaîne publique France 2.
Néanmoins, elle « s’est détachée » d’une ligne plus « traditionnaliste », plus « catho », qui perdure « dans la nébuleuse derrière elle », estime Virginie Martin.
Or, selon la chercheuse, si Marine Le Pen fait un trop faible score dimanche, « l’aile plus dure, plus +tradi+, plus +catho+, va resurgir »: « ils n’attendent que ça pour reprendre le parti avec un leader qui s’appellera Marion Maréchal Le Pen », sa nièce. La plus jeune des députés français est une adversaire affirmée du mariage homosexuel et de l’IVG, entre autres.
Avec AFP