Héritière ambitieuse au tempérament orageux, Marine Le Pen entend faire triompher le Front national pour sa deuxième campagne présidentielle, après avoir mis son père à la retraite.
Annoncée au second tour par les sondages depuis le printemps 2013, la benjamine des trois filles Le Pen compte a minima rééditer la qualification surprise de Jean-Marie Le Pen, figure tutélaire de l’extrême-droite, en 2002.
Dans un pays marqué par les attentats, un chômage élevé et une économie atone, ce serait à 48 ans l’aboutissement d’une carrière d’opposante, principalement au Parlement européen, pour celle qui a longtemps raconté s’être tenue à l’écart de la passion familiale.
Comme la cadette, Yann, en charge des grandes manifestations frontistes, son destin s’est d’abord inscrit dans le giron du « diable de la République ». « Quoi qu’il arrive, tu es mon père », lui avait-elle dit après une violente brouille en 2005.
Avocate de formation, née dans la foulée de mai 1968, Marine Le Pen porte les couleurs frontistes pour la première fois aux législatives dès 1993.
« Enfant de la télé », bretteuse plus qu’oratrice, elle crève l’écran le soir du second tour de la présidentielle 2002 en expliquant la victoire de Jacques Chirac sur « Le Pen » par la transformation de la France en « camp de rééducation psychologique ».
A partir de là, cette grande femme, reconnaissable à sa chevelure blonde, entreprend avec le soutien de son père une ascension continue jusqu’à la présidence du parti, début 2011. Les vieux barons qui la voyaient en « night-clubbeuse » dénuée de culture politique sont progressivement écartés.
Deux fois divorcée, mère de trois enfants, aujourd’hui en couple avec l’une des figures du parti, Louis Aliot, Marine Le Pen insiste sur l’économie, parent pauvre du discours frontiste. Avec au menu, une forte dose de protectionnisme et la sortie de l’euro pour séduire les « perdants » de la mondialisation.
– Maintien des fondamentaux –
Ces thèmes, orchestrés par son bras droit Florian Philippot, sont gagnants dans le bassin minier sinistré d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), devenu son fief, comme au niveau national: à toutes les élections intermédiaires et notamment lors de la présidentielle 2012, le parti progresse.
Pour entrevoir un succès électoral d’ampleur, elle essaie de sortir son parti de l’isolement: en 2017, elle rencontre trois chefs d’Etat en exercice, dont le président russe Vladimir Poutine.
« La dédiabolisation », le nom qu’elle donne à son grand oeuvre, vise surtout à débarrasser ce parti de son image antisémite et raciste. Après avoir toléré pendant des années des propos valant de multiples condamnations à Jean-Marie Le Pen, elle se résout à le faire exclure en août 2015. Depuis, peu ou plus de contact.
Marine Le Pen le prophétisait dans son autobiographie « A Contre Flots » en 2006 : « la politique nécessite un certain nombre de sacrifices. La vie familiale en fait partie ». Mais pas les « trois i », les « fondamentaux » historiques frontistes : dénonciation de l’immigration, des impôts, de l’insécurité.
Marine Le Pen prône la préférence nationale, rebaptisée « priorité nationale », et s’oppose aux aides sociales pour les étrangers. Favorable « à titre personnel » à la peine de mort, elle veut supprimer le mariage homosexuel, sans défiler avec les anti.
La députée européenne brouille les lignes, se proclamant « meilleur bouclier » des Français juifs, citant Jaurès ou De Gaulle, arborant République et laïcité en étendard contre « l’islamisation de la France », jusqu’à établir un parallèle entre les prières de rue et l’Occupation allemande.
Le premier tour, le 23 avril, sera déjà décisif: « j’arrête » la politique, assurait-elle ces dernières années, « si je ne suis pas qualifiée pour le second tour ».
Avec AFP