Avec son look d’éternel dandy, sa lavallière et ses cheveux mi-longs, Cédric Villani n’a pas plus l’allure d’un génie des mathématiques que d’un cacique de la politique : investi aux législatives dans l’Essonne par le parti d’Emmanuel Macron, il est néanmoins prêt à se jeter « dans la fosse aux lions ».
Candidat dans une circonscription en or, où le président élu a fait son meilleur score du département au premier tour – 34% des voix -, le mathématicien affrontera notamment la députée PS sortante Maud Olivier et la candidate LR Laure Darcos, épouse de l’ancien ministre de l’Éducation nationale Xavier Darcos.
« Il y a un saut entre la présidentielle (…) incarnée par le président et une campagne législative de terrain », prévient d’emblée Cédric Villani. « Il faut se faire accepter ».
C’est à Orsay, où il réside depuis 2011, que le médiatique lauréat 2010 de la médaille Fields – équivalent du prix Nobel en mathématiques -, 43 ans, a endossé vendredi pour la première fois son costume de candidat.
Son trois-pièces, agrémenté de son habituelle lavallière en soie, d’une montre à gousset et d’une broche araignée, n’est pas passé inaperçu dans cette ville de chercheurs, voisine du futur pôle scientifique et technologique de Paris-Saclay.
« Vous êtes le bienvenu », lui lance Christophe Gilbert, devant son cabinet médical du centre-bourg. « Avoir un mathématicien comme député, dans notre ville qui accueille une faculté – l’Université Paris-Sud -, ce serait normal! », ajoute le praticien, qui « va suivre avec attention » sa campagne.
Un peu plus loin, c’est bras ouverts qu’il est accueilli par Claude, son coiffeur attitré depuis six ans. « Ici, tous les clients le connaissent », affirme le septuagénaire. Et si l’envie prenait à certains d’adopter sa coupe mi-longue à la Chopin, « j’ai sa photo dans mon catalogue », s’amuse-t-il, en électeur déjà conquis.
– « J’irai jusqu’au bout » –
Une campagne, c’est aussi s’assurer l’appui de réseaux. Delphine Chadoutaud, vice-présidente du syndicat des pharmaciens de l’Essonne, accueille le candidat dans son officine.
Ici, la terre est moins acquise. La professionnelle dit sa « peur de la dérégulation », chère à Emmanuel Macron, qui remettrait en cause le monopole des pharmacies sur la vente des médicaments.
L’échange est très technique: le professeur à l’Université Lyon-I sort un petit calepin et gratte de nombreuses notes.
« Cédric, il a appris toute sa vie, il est très à l’écoute », loue son jeune directeur de campagne Thomas Friang, 28 ans. « Il découvre ce monde avec un peu d’émerveillement, c’est très excitant ».
Depuis l’officialisation de son investiture, c’est un déluge de sollicitations médiatiques, françaises bien sûr, mais aussi étrangères. « J’ai des demandes de partout, CNN, la BBC, le Washington Post, c’est du délire! », confie M. Friang, issu du MoDem.
Une lumière, inévitable, que le candidat, père de deux enfants et pacsé à une biologiste, souhaite chasser en permanence, vantant son « réseau de militants très motivés ».
« Je découvre combien une campagne peut-être exigeante, parfois éprouvante », confie celui qui avait présidé le comité de soutien d’Anne Hidalgo, lors des élections municipales en 2014.
La mathématique, discipline pure, tranche avec le monde politique, véritable « fosse aux lions », mais il se rassure: « Emmanuel Macron a été élu en affichant le discours le plus bienveillant », malgré « l’une des campagnes les plus violentes depuis plusieurs décennies ».
En cas de victoire, il se délestera de ses nombreuses responsabilités, notamment la direction de l’Institut de recherches mathématiques Henri-Poincaré: « il ne s’agit pas de faire le cumulard ».
Quant à un éventuel poste au gouvernement, où son nom est parfois cité, il botte en touche, comme un vieux du sérail: « j’irai jusqu’au bout de ma campagne, quoi qu’il arrive ».
Avec AFP