« Maintenant qu’on a un banquier à l’Elysée, il faut peut-être mettre le peuple à l’Assemblée! », lance le candidat François Ruffin à des employés de Procter & Gamble en distribuant des tracts à Amiens, dans une circonscription très ouverte.
Soutenu par la France insoumise, les écologistes d’EELV et le PCF, l’auteur du documentaire « Merci patron! », couronné par un César, a face à lui un casting détonant pour conquérir la 1ère circonscription de la Somme, qui penche plutôt à gauche. Jean-Luc Mélenchon y a obtenu 21,7% le 23 avril, presqu’autant qu’Emmanuel Macron (22,9%), derrière Marine Le Pen (28,8%).
A l’extrême droite, c’est Franck De Lapersonne, humoriste et comédien, qui se présente sous l’étiquette du Front National. Le maire d’Abbeville Nicolas Dumont, venu du Parti socialiste, a lui rejoint En Marche! alors qu’il présidait en 2012 le comité de soutien de Pascale Boistard (PS), secrétaire d’Etat sous Hollande… et qui brigue sa propre succession. En embuscade, l’industriel Stéphane Decayeux (LR-UDI) espère profiter de cette configuration inédite pour disputer le second tour, comme en 2012.
Dans la zone industrielle d’Amiens-Nord, d’où l’on aperçoit les flèches de la cathédrale, un chauffeur de camion reconnaît Ruffin et lui adresse un sonore « on vous voit partout! », en recevant un tract de ses mains.
Une présence sur le terrain qui doit permettre au journaliste de 41 ans de le porter au Palais-Bourbon. « On va avoir la plus grosse campagne de porte-à-porte de ces législatives », se félicite Ruffin. « On a tous les jours une quarantaine de personnes sur le terrain, c’est notre arme majeure ».
– ‘modèle réduit’ –
Mais pour ses adversaires, comme Stéphane Decayeux, Ruffin est avant tout « un outil médiatique », qui « maîtrise bien les codes » de la comm’ mais n’est pas très populaire à Amiens-Nord. « Il avait tenu des propos désobligeants sur le quartier et il a du mal aujourd’hui à s’y présenter », note M. Decayeux en référence à l’ouvrage du candidat, « Quartier Nord », publié en 2006 (Fayard). François Ruffin y racontait le délaissement de cet endroit, avec « des paumés, des camés, des ratés, des rangés, des dérangés des RG ».
Pascale Boistard, facilement élue en 2012 (59% au second tour), dit « refuser de prendre les citoyens pour des imbéciles ». « Toute cette agitation est la mode en politique. Je pense que les citoyens de cette circonscription savent que je ne fais jamais de promesses en l’air », explique cette femme de 46 ans au caractère bien trempé. Refusant « la gauche sectaire », elle a pris pour suppléant un… communiste, dissident de son propre parti. Une manière de montrer que Ruffin ne fait pas l’unanimité à gauche.
Si cette circonscription est une France « en modèle réduit », selon le terme de Mme Boistard avec des thématiques de rénovation urbaine (Amiens Nord), environnementale (Ferme des 1.000 vaches) ou encore de désindustrialisation (Goodyear), elle est aussi un exemple de la recomposition politique nationale.
Qualifié ironiquement par Ruffin de « vrai professionnel de la politique », Nicolas Dumont, 40 ans, a pris le train d’En Marche! en mars, parrainant Emmanuel Macron. Il compte sur son ancrage local et la dynamique Macron, natif d’Amiens, pour l’emporter. « Les électeurs de cette circonscription comme du pays vont avoir à coeur de donner au président les moyens de mettre en oeuvre le projet proposé », dit celui qui s’est « mis en congé du parti socialiste après 24 ans en son sein ».
Quant à Franck De Lapersonne – qui n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP -, Ruffin s’attend à l’affronter au 2e tour avec le candidat d’En Marche! « Vous mettez un âne avec une étiquette Front National, aujourd’hui il fait 25% et est au 2e tour », peste-t-il, dans une circonscription où Marine Le Pen est arrivée en tête au premier tour de la présidentielle avec 28,81% des voix.
Avec AFP