Le TATP, la substance découverte mardi à Marseille dans le sud de la France dans l’appartement de deux suspects, est une poudre blanche au redoutable pouvoir détonant devenue, parce qu’elle se fabrique avec des ingrédients du commerce, l’explosif de prédilection des jihadistes.
La perquisition de l’appartement de deux hommes soupçonnés de préparer un attentat jihadiste « imminent » en France a notamment permis de découvrir « des explosifs, en l’occurrence trois kilos de TATP, du péroxyde de triacétone, en train de sécher dans un placard sur trois étagères à trois stades d’élaboration différente dont l’un était d’ores et déjà prêt à l’usage », a révélé le procureur de Paris François Molins.
Découvert à la fin du XIXe siècle par un chimiste allemand, le peroxyde d’acétone (en anglais TATP: triacetone triperoxide) est un explosif artisanal obtenu en mélangeant, dans des proportions précises, de l’acétone, de l’eau oxygénée et un acide (sulfurique, chlorhydrique ou nitrique), produits que l’on achète sans problème en droguerie ou magasin de bricolage.
On obtient alors une poudre constituée de cristaux blancs, ressemblant à un sucre grossier, qu’un détonateur simple suffit à faire exploser, dans une déflagration produisant un terrible dégagement de gaz brûlants.
Depuis des années les groupes radicaux ont mis en ligne des manuels pratiques expliquant, photos, dessins ou films à l’appui, comment fabriquer « dans la cuisine de votre mère » qu’ils surnomment « la mère de Satan ». Ces dernières années, en Irak et en Syrie, les laboratoires, d’abord sommaires puis quasi-industriels, de TATP et d’autres explosifs artisanaux se sont multipliés.
« Contrairement à ce qu’on dit parfois, regarder un tutoriel sur internet ne suffit pas », a toutefois assuré à l’AFP Éric, un ancien officier français spécialiste des explosifs, qui a demandé à ne pas être identifié.
« Il faut quand même que quelqu’un vous ait montré une fois. Mais des instructeurs, les gars de l’État islamique n’en manquent pas, en Syrie et en Irak. Puis ça se diffuse de cours pratique en cours pratique. Quand on vous a montré, vous pouvez effectivement le faire dans votre cuisine ».
La partie la plus délicate est l’ajout d’acide au mélange d’acétone et d’eau oxygénée, qui dégage de la chaleur, de fortes émanations et peut s’enflammer, mais un opérateur soigneux, protégé par un simple masque, peut y parvenir sans peine.
Dans l’appartement de Marseille, les enquêteurs ont également découvert des tenues de chimistes, des seringues, des doseurs, des bouteilles d’acétone et des bidons d’eau oxygénée.
C’est de TATP qu’étaient constitués les gilets et bombes que des jihadistes ont fait détonner dans l’aéroport et le métro de Bruxelles en mars 2016, faisant au moins 32 morts et 340 blessés, dont beaucoup atteints de graves brûlures.
« Le principal problème que nous pose le TATP », a confié à l’AFP un membre des services français antiterroristes, qui souhaite rester anonyme, « c’est la disponibilité des ingrédients. On peut surveiller les ventes d’eau oxygénée, d’ailleurs on le fait bien sûr, mais si les gars sont assez malins pour faire vingt pharmacies et acheter de petites quantités, ça passe. Pareil pour l’acétone et l’acide… »
Avec AFP