Dépenses publiques, sortie éventuelle des traités européens, relations avec la Russie de Poutine, Venezuela: milieux économiques et politiques expriment leurs inquiétudes face à la percée de Jean-Luc Mélenchon, qui dénonce la « caricature » et répond par l’humour.
Le candidat de La France insoumise fait-il courir un « risque » à la France ? Éditorialistes, économistes, candidats à la présidentielle semblent le croire ces derniers jours devant la montée continue de M. Mélenchon dans les enquêtes sur les intentions de vote au premier tour de la présidentielle.
Il existe « un risque en termes d’une vision assez totalitaire », a déclaré jeudi le patron de la CFDT Laurent Berger, se disant « choqué qu’il y ait une forme de référence qui soit faite à ce qui se passe au Venezuela ». Dans ce pays, « aujourd’hui, on a un pouvoir qui, depuis Chavez, a saigné le pays », et « une population extrêmement pauvre qui vit sous un régime totalitaire », a dénoncé le responsable syndical, reprenant le credo du Figaro de la veille.
Le président du Medef Pierre Gattaz s’était déjà inquiété mardi d’un scénario « qui se rapprocherait de Chavez au Venezuela ».
La dynamique non démentie de celui qui souhaite augmenter le Smic à 1.700 euros bruts « avant l’été », instaurer un salaire maximum autorisé équivalent à 20 fois le revenu médian (environ 400.000 euros), et une tranche d’impôt supérieure à 90% au-delà, est aussi observée de près par les marchés financiers.
« Un scénario Marine Le Pen/Jean-Luc Mélenchon au second tour, même s’il ne s’agit pas du scénario le plus crédible, alimente une certaine nervosité sur les marchés », a noté mercredi Christopher Dembik, responsable de la recherche économique chez Saxo Banque.
Les analystes de Natixis ont également attribué à la bonne position du député européen l’augmentation de l’écartement des taux d’emprunts à 10 ans de la France par rapport à ceux de l’Allemagne. « Par ricochet, les signatures affichant les moins bonnes performances des indices synthétiques de crédit ont été les banques françaises et italiennes », observent-ils.
Des rivaux de M. Mélenchon s’inquiètent aussi de son programme économique : Emmanuel Macron (En Marche !) a fustigé « un irréalisme qui n’a rien d’angélique » et « qui serait dramatique pour les classes moyennes et laborieuses ».
« C’est facile de promettre les 32 heures ! C’est facile de promettre 175 milliards de dépenses nouvelles comme M. Mélenchon ! », s’est emporté François Fillon (LR) mardi.
– « il vaut mieux rigoler » –
La volonté de M. Mélenchon de se rapprocher de la Russie et de prendre ses distances avec le grand frère nord-américain est un autre motif d’inquiétude.
« Si la paix que défend Jean-Luc Mélenchon c’est la paix de Vladimir Poutine, très peu pour moi », a estimé l’ancien ministre de l’Economie, tandis que Benoît Hamon (PS) a jugé « extrêmement dangereux » le projet de M. Mélenchon d’organiser une conférence de négociations sur les frontières.
Sans compter le surgissement de François Hollande, dans le débat présidentiel qui a alerté contre un « péril » Mélenchon, dénonçant des « simplifications », des « falsifications », qui font que l' »on regarde le spectacle du tribun plutôt que le contenu de son texte ».
A ces critiques, le candidat de La France insoumise a opposé mercredi à Lille un sourire ravi et confiant. « Il vaut mieux rigoler », a-t-il commencé, se réjouissant de n’être pour l’instant « pas encore une maladie, je suis juste un risque ».
Les taux d’emprunts à 10 ans (OAT) ? « Quand Fillon était sûr d’être au 2e tour, les OAT étaient plus chers : ce n’est pas moi le risque, c’est lui ! », note-t-il, provoquant l’hilarité des milliers de personnes présentes.
Chavez ? Contrairement à l’Arabie Saoudite, il « n’a jamais condamné aucun blogueur à recevoir mille coups de fouet ».
Face à la désapprobation, « on est partagés entre l’envie de rire et la tristesse qu’on puisse amener le débat à une telle caricature », lâche jeudi son directeur de campagne, Manuel Bompard.
« Ca ne marchera pas, ça a déjà été fait à plusieurs reprises et ça s’est retourné contre les auteurs », ajoute-t-il. En 2005, « on a vécu le même niveau de caricature mais finalement cela a renforcé ceux qui de manière intelligente et constante s’opposaient au traité constitutionnel européen ».
Avec AFP