A la peine dans les enquêtes d’opinion à moins d’un mois des européennes, Raphaël Glucksmann a appelé jeudi à Bordeaux ses partisans à lutter contre le « fatalisme, la résignation » de la gauche pour « faire mentir les pronostics » et entamer une grande « remontada ».
« Nous avons 24 jours, 24 jours pour faire mentir les pronostics, 24 jours pour raconter l’histoire d’une grande remontada, celle de la gauche française et de la gauche européenne. Le fatalisme, la résignation, voilà nos adversaires (…) La campagne ne fait que commencer », a lancé M. Glucksmann, au cours d’un meeting qui a réuni quelque 600 personnes au Théâtre Femina, loin de la jauge maximum.
« Ensemble, nous allons porter partout dans ce pays, pendant les 24 jours qui restent, ce message: nous pouvons, nous voulons construire une Europe écologique et sociale. Nous pouvons, nous voulons sortir de ce match entre libéraux et nationalistes. Nous pouvons, nous voulons que la gauche renaisse et qu’elle l’emporte. C’est notre projet ! », a-t-il conclu, en parodiant la phrase hurlée par Emmanuel Macron à la fin d’un meeting en 2016.
Entré en campagne mi-mars, l’essayiste de 39 ans n’a pas encore réussi à faire décoller la liste PS-Place publique, qui stagne autour de 5-6% dans les sondages, et a même recueilli 4% des intentions de vote, un point de moins que la barre des 5% qui permet d’envoyer des élus à Strasbourg, dans un sondage Elabe publié mardi.
« Je sais bien que les élections ne passionnent pas encore les foules. Je sais bien que pour beaucoup l’Europe semble loin », a-t-il déploré, appelant néanmoins son auditoire à ne pas « se laisser voler » ce « moment démocratique ».
– Loiseau s’est « volatilisée » –
Dans son discours d’une quarantaine de minutes, M. Glucksmann a réservé l’essentiel de ses coups à Emmanuel Macron et à la tête de liste de la République en marche, Nathalie Loiseau.
« Messieurs Macron, Castaner, Mme Loiseau ne pourront jamais être des remparts contre l’extrême-droite. Non pas parce qu’à vingt ans elle a été au GUD ou à l’équivalent, ça c’est une erreur de jeunesse et toutes les erreurs de jeunesse sont pardonnées. Mais parce qu’aujourd’hui elle n’assume pas le combat. C’est frappant à quel point ceux qui vous exhortent à voter pour eux comme barrage n’assume le combat sur aucun thème face à l’extrême-droite », a-t-il attaqué, citant les libertés publiques ou l’accueil des réfugiés.
Le premier secrétaire du PS Olivier Faure avait usé auparavant de la même rhétorique, accusant LREM d’être davantage une « passerelle » qu’un « rempart » face à l’extrême-droite, et Mme Loiseau de s’être « volatilisée ».
« Elle a choisi de faire une non campagne, elle a choisi de se cacher pour éviter d’en sortir une par jour », a-t-il ironisé, dans une allusion aux différentes polémiques qui ont émaillé la campagne de Mme Loiseau, de sa présence sur une liste syndicale d’extrême droite quand elle était étudiante à sa supposée relativisation de l’homophobie dans une bande dessinée sur l’Europe.
Dans le public sagement enthousiaste, certains participants ne cachaient pas leur inquiétude face au score aujourd’hui affiché par la liste PS-Place publique.
« Cela m’inquiète beaucoup », a ainsi témoigné auprès de l’AFP, Yoann, 24 ans. « Le PS est encore marqué par le quinquennat de François Hollande, la campagne catastrophique de 2017. Le PS paraît comme une vieille usine qui n’a plus rien à dire. Raphaël Glucksmann a des choses à dire mais il n’est pas entendu », a-t-il analysé.
Auprès de l’AFP, les proches de M. Faure tentent de rassurer. « Je ne suis pas inquiet. Je pense que la campagne n’a pas démarré », affirme l’un d’entre eux. Un autre promet que la campagne de M. Glucksmann va s’accélérer la semaine prochaine, avec la présentation de la liste et du programme, lundi matin.
Une liste déposée en toute discrétion mardi, après d’ultimes arbitrages, et un accord signé in extremis avec le Parti radical de gauche. Des personnalités de poids devraient également s’impliquer dans la campagne, à l’instar de la maire de Paris Anne Hidalgo, qui a remercié jeudi sur France Inter Raphaël Glucksmann d’ouvrir un « nouveau chemin » pour la « reconstruction » d’une gauche sociale-démocrate et écologiste, ce qui, a-t-elle reconnu, « peut prendre du temps ».
Avec AFP