Trente-neuf ans, jamais élu, « ni de droite ni de gauche »: devenu l’un des favoris de la présidentielle, Emmanuel Macron a fait le pari de « changer de logiciel » dans un paysage politique qui peine à se renouveler.
D’abord accueilli avec une certaine condescendance par des professionnels de la politique de tous bords qui ont longtemps raillé le flou de son projet, l’ex-ministre de l’Economie du président socialiste François Hollande (août 2014-2016) a contredit ceux qui voyait en lui une « bulle » médiatique.
Profitant des déboires du candidat de la droite François Fillon – inculpé à la suite d’un scandale d’emplois familiaux présumés fictifs – et fort du ralliement de personnalités clés, tel le centriste historique François Bayrou, ce nouveau venu au physique de gendre idéal a progressivement grimpé dans les sondages.
Au point de rendre plausible l’hypothèse d’un duel avec la candidate d’extrême droite Marine Le Pen au second tour du 7 mai.
Pur produit de l’intelligentsia française, cet ex-haut fonctionnaire formé aux écoles de l’élite puis banquier d’affaires, est entré en politique en 2012 comme conseiller du président Hollande.
De cette expérience dans l’ombre du pouvoir, suivie de deux années au ministère de l’Économie, il dit avoir tiré un enseignement majeur: le « dysfonctionnement » du système politique actuel.
« Je pense que Macron a eu l’intuition, précisément parce qu’il était extérieur à la vie politique traditionnelle, que les partis de gouvernement avaient créé leurs propres faiblesses, avaient perdu leur propre attractivité, étaient, pour reprendre un vieux mot, usés, fatigués, vieillis », confiait récemment François Hollande en petit comité.
Une intuition qui a poussé le jeune ministre à fonder début 2016 son propre mouvement, baptisé En Marche! – ou EM comme ses initiales – qui revendique désormais quelque 200.000 adhérents.
Ont suivi sa démission du gouvernement et sa candidature à la présidentielle, sur un programme d’inspiration sociale-libérale.
Son fil rouge: réconcilier « liberté et protection », en réformant l’assurance-chômage ou en proposant des mesures de discrimination positive à l’intention des quartiers en difficulté. Son coeur de cible: les classes moyennes, qu’il juge « oubliées » par la droite et la gauche.
Son discours transpartisan, libéral au sens anglo-saxon du terme (sur le plan économique mais aussi sur les questions de société), plaît aux jeunes urbains et aux milieux d’affaires. Mais il séduit moins les classes populaires ou rurales, rétives à la mondialisation qu’il défend.
– ‘Gourou’ –
Coutumier des envolées oratoires en meeting, cet amateur des belles lettres qui aime citer des poètes dans ses discours a été qualifié de « gourou » par le candidat de la droite, de « champignon hallucinogène » par le tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon.
Il se voit aussi régulièrement reprocher son passé de banquier par le candidat socialiste Benoît Hamon, pour lequel « le parti de l’argent a trop de candidats dans cette élection ».
Lui-même se pose en candidat de « l’indignation véritable » et du renouvellement, face à ces « mêmes visages » de la classe politique « depuis 30 ans ». « Ca ne peut pas continuer comme ça ! », dit-il.
Européen « assumé » mais peu expérimenté à l’international, il s’est efforcé de muscler sa stature avec un déplacement au Liban fin janvier et une rencontre avec la chancelière allemande Angela Merkel, mi-mars à Berlin. Il suscite en Allemagne intérêt et sympathie.
En France, il a choqué en qualifiant « d’illettrées » les employées d’un abattoir et s’est attiré les foudres de la droite et l’extrême droite en qualifiant la colonisation française de « crime contre l’humanité ».
A l’inverse de ses concurrents, il affiche sa vie privée et mène campagne avec son épouse Brigitte, son ancienne professeure de français de vingt-quatre ans son aînée. Il a démenti publiquement des rumeurs sur son homosexualité présumée véhiculées depuis des mois sur les réseaux sociaux.
Lui qui a promis une grande loi sur la moralisation de la vie publique a été interpellé par l’association anticorruption Anticor qui questionne la sincérité de ses déclarations de patrimoine.
« Il y a beaucoup d’attaques, beaucoup d’insinuations, mais je n’ai rien à me reprocher », s’est-il défendu.
Avec AFP