L’attentat de jeudi aux Champs-Élysées a brutalement replacé la menace terroriste au coeur de l’actualité politique, sans toutefois que les experts se risquent à évaluer son impact sur le choix des électeurs si près de la présidentielle.
Relativement peu présente dans la campagne selon les observateurs, la question du terrorisme a bousculé la dernière semaine de campagne: d’abord mardi avec l’arrestation à Marseille de deux hommes prévoyant un attentat « imminent », puis jeudi soir avec l’attaque sur la plus célèbre avenue de France, qui a coûté la vie à un policier.
Si le président américain Donald Trump a d’ores et déjà estimé vendredi que l’attentat de Paris « aura un gros effet sur l’élection présidentielle » dimanche, les experts sont eux beaucoup plus prudents.
L’attentat pourrait « être en mesure de faire bouger les lignes et resserrer les écarts » dans une présidentielle marquée par une « très grande incertitude » tant les quatre favoris sont proches dans les sondages, avance Adélaïde Zulfikarpasic, directrice de l’Institut de sondages BVA.
« Si ça devait bénéficier à quelqu’un ce serait évidemment à Marine Le Pen qui a porté cette thématique dans la campagne, ou à François Fillon, de par sa stature présidentielle », ajoute-t-elle, rappelant toutefois qu’en 2012, Nicolas Sarkozy n’avait pas « bénéficié » de l’affaire Merah comme cela avait été prédit après les tueries de Toulouse et Montauban, un mois avant le premier tour de la présidentielle.
Même son de cloche du côté de la fondation Jean-Jaurès (proche PS). « Personne ne peut vraiment dire quel impact ça va avoir (…) De même qu’on est bien en peine d’expliquer pourquoi Marine Le Pen baisse autant cette semaine, alors que l’actualité la sert plutôt en terme d’agenda et qu’elle est revenue sur ses fondamentaux », affirme la directrice du département opinion, Chloé Morin.
Plusieurs candidats -Marine Le Pen, François Fillon et Emmanuel Macron- ont annulé leurs déplacements vendredi, mais les déclarations politiques se sont succédé et le sujet tourne en boucle sur les chaînes d’infos depuis jeudi soir.
– ‘Un attentat de plus’ –
Sébastien Pietrasanta, député PS et rapporteur de la commission d’enquête post-attentats de 2015, se méfie de la forte « tentation d’instrumentalisation. La situation dit-il, rappelle « très fortement ce qui s’est passé en 2002 » avec « Papy Voise » au terme d’une campagne centrée sur l’insécurité.
A l’époque, les images de ce vieil homme, le visage tuméfié après avoir été roué des coups par deux jeunes qui avaient incendié sa maison, avaient été diffusées dans tous les journaux télévisés, et certains y voient un lien avec l’accession au second tour de Jean-Marie Le Pen quelques jours plus tard.
Sylvain Brouard, directeur de recherche Sciences Po/CEVIPOF, explique cependant que ce sont les électeurs de gauche qui « réagissent le plus » après un attentat: « Leur préférences sécuritaires s’ajustent car le danger est plus important qu’ils escomptaient », et ils demandent par exemple plus de moyens pour l’armée ou la police, alors que les électeurs d’extrême droite et même de droite voient leur convictions « validées ».
Le chercheur, qui travaille sur l’évolution des priorités politiques des Français depuis trois ans, souligne par ailleurs la différence entre un « premier attentat » symbolique contre Charlie Hebdo, un deuxième « très fort » au vu du nombre de victimes le 13 novembre 2015, et « un attentat de plus ».
Même l’attentat de Nice, qui avait causé le 14 juillet la mort de 86 personnes, a « eu un effet bien moins important sur les préférences des Français en matière de sécurité », explique-t-il.
Le député Georges Fenech (LR), corapporteur de la commission d’enquête post-attentats de 2015, estime pour sa part que l’attentat ne va pas « changer la donne » car « on connaît le programme de chacun, le sujet est intégré ».
Dans la classe politique, on estime aussi « vraisemblable » une hausse de la participation en réaction. Le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, s’est ainsi interrogé sur LCI sur cette éventuelle poussée, susceptible tout à la fois de « relativiser » le score de Marine Le Pen, de pousser les électeurs PS à revenir vers Benoît Hamon ou de bénéficier à François Fillon, dont les affaires seraient ainsi reléguées au second plan.
Avec AFP