Où est la mobilisation anti-FN qui avait fait descendre des milliers de personnes dans les rues en 2002? Quinze ans plus tard, les associations anti-racistes observent avec désarroi la « banalisation » de Marine Le Pen.
Lundi soir à Paris, SOS Racisme avait organisé un rassemblement place de la République pour dire « non au FN ». Quelques centaines de personnes se sont déplacées, dans un contraste frappant avec 2002 et ses manifestations spontanées dès le soir du 21 avril pour dénoncer l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle.
« Il y a une certitude: la mobilisation dans la rue n’est plus aussi évidente qu’en 2002 », déplore Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, qui rappelle qu’à l’époque « il y avait un choc, alors que là on nous annonce Marine Le Pen au second tour comme une évidence depuis des années ».
Mais cette « banalisation » inquiète particulièrement les acteurs historiques de la lutte contre le racisme face à une candidate qui, après s’être employée à lisser l’image de son parti ces dernières années, a lancé sa campagne sur le « patriotisme » et la « préférence nationale. « Les gens ne perçoivent pas avec la même acuité qu’en 2002 le danger que représente Marine Le Pen, alors même qu’elle est sur les fondamentaux de son père », déplore M. Sopo.
A cela s’est ajouté le débat sur le vote blanc ou l’abstention, nourri sur les réseaux sociaux. Certains, notamment électeurs de Jean-Luc Mélenchon qui s’est jusqu’à présent abstenu de donner une consigne de vote, y refusent de choisir entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron.
– « Réseaux sociaux » –
Cela aura-t-il un effet dans les urnes? « Il faut faire la distinction entre ce qui se dit sur les réseaux sociaux et la majorité de la population », relativise M. Sopo, qui rappelle qu’en 2002 déjà les discussions n’étaient « pas simples » pour convaincre de voter Chirac…
Mais la parade semble difficile à trouver, pour des associations qui voient déjà leur poids s’éroder depuis plusieurs années face aux nouveaux acteurs, plus radicaux, de l’anti-racisme.
« On est démunis », reconnaît Françoise Dumont, la présidente de la Ligue des droits de l’Homme, qui souligne « une période extrêmement perturbée, avec une perte de repères totale », entre inquiétudes sur la mondialisation et crise de l’accueil des réfugiés.
Les jeunes, fortement mobilisés en 2002, longtemps public privilégié des associations, semblent échapper aux schémas traditionnels.
« Il y a une faiblesse dans la mobilisation de notre génération, un certain dégoût, une croyance que les politiques ne sont pas capables de bouleverser leur quotidien », reconnaît Sacha Ghozlan, président de l’UEJF (Union des étudiants juifs de France), qui met aussi en cause les candidats « qui n’appellent pas à voter pour un candidat républicain ».
– « Cécité » –
M. Mélenchon est clairement visé: « Il a toujours dit qu’il était un ardent combattant de l’extrême droite, c’est le moment de le montrer », ajoute M. Ghozlan.
« Jean Luc Mélenchon doit lever rapidement les ambiguïtés », abonde M. Sopo.
En attendant, quelles pistes explorer ?
« La pédagogie fonctionne », assure Alain Jakubowicz, le président de la Licra, qui va chaque année à la rencontre des collégiens, policiers… « On voit 30.000 élèves par an, mais on devrait en voir trois millions! »
« Une pédagogie doit être faite dès le lendemain du second tour », ajoute M. Sopo, et d’ici là « on peut organiser des rassemblements ». SOS racisme a appelé à un concert place de la République dimanche.
Mais pour M. Jakubowicz, « la solution ne consiste pas à organiser des manifestations et des concerts » et « nous devons apprendre à changer notre logiciel ».
« Ce serait de la cécité et de l’irresponsabilité de ne pas voir que la situation a changé et qu’on ne combat plus le racisme comme en 1980 », insiste-t-il.
Aussi la Licra a-t-elle, pour la première fois de son histoire, apporté son soutien à un candidat en appelant à voter Macron.
Avec AFP