L’une veut en sortir au plus vite, l’autre entend la renégocier de fond en comble, les deux autres la défendent avec plus ou moins d’ardeur: l’Europe s’est imposée comme un thème majeur des quatre principaux candidats au fil de la campagne présidentielle française.
« Rarement la question européenne aura occupé une place aussi prééminente dans les programmes que lors de cette campagne électorale. L’Europe est devenue l’une des principales lignes de fracture entre les candidats », écrit l’ex-diplomate européen Pierre Vimont dans une note de la fondation Carnegie Europe.
Le contexte a changé par rapport à la précédente élection de 2012. La montée des populismes, le choc du Brexit, la crise migratoire sont passés par là, remettant au coeur du débat l’Union européenne, source de tous les maux pour certains, garantie de paix pour les autres.
La ligne de partage semble assez claire entre les candidats du quatuor de tête: d’un côté, le conservateur François Fillon et le centriste Emmanuel Macron, européens compatibles, opposés à toute sortie de l’euro et de l’UE, partisans d’un axe franco-allemand.
De l’autre, Marine Le Pen à l’extrême droite et Jean-Luc Mélenchon, le chef de la « France Insoumise », à l’autre extrême, qui vilipendent l’Europe et prônent une politique de rupture, jusqu’à un possible « Frexit ».
« Les positions se sont radicalisées. Mélenchon a été très marqué par ce qui est arrivé à Syriza (le parti anti-austérité de gauche radicale grec, qui a finalement cédé aux exigences européennes après des mois de crise, NDLR). Quant à Le Pen, elle surfe sur la vague Brexit et la vague Trump », estime Manuel Lafont Rapnouil, directeur du bureau parisien de l’European Council on foreign relations.
Les fondements idéologiques de leur projet respectif n’ont rien à voir. « Souveraineté » économique, monétaire, territoriale et « préférence nationale » constituent les arguments massue de la patronne du Front National qui exige le retrait du drapeau européen sur le plateau de télévision où on l’invite. Politiques sociales, refus de l’austérité et des « diktats » de l’Allemagne sont mis en avant par Jean-Luc Mélenchon.
Mais dans les deux cas, les candidats promettent un bras de fer avec Bruxelles et se posent en maîtres de futures négociations, qu’ils se disent certains de pouvoir remporter, arguant du poids de la France dans l’Union européenne.
– Inquiétudes –
Mme Le Pen annonce six mois de discussions avec l’UE pour sortir de Schengen, de l’euro, avant d’organiser la tenue d’un référendum sur l’appartenance de la France à l’Union.
« L’UE, on la change ou on la quitte », assène pour sa part M. Mélenchon, résumant ainsi son « plan A » (sortie des traités européens et renégociation) et son « plan B » (rupture).
Paradoxalement, cette radicalité s’exprime dans un pays où plus de 70% des Français se disent opposés à la sortie de l’euro et de l’UE. L’inquiétude est patente dans les milieux économiques et chez les « élites », bêtes noires des deux candidats, et pourrait se diffuser plus largement dans l’électorat.
« L’électorat frontiste est plus divisé qu’il n’y paraît sur cette question, notamment chez les plus jeunes, et beaucoup d’électeurs se posent la question: comment on fait? quel est le scénario? », relève Jean-Yves Camus, spécialiste du FN.
« Les Français ne sont pas devenus anti-européens ou europhobes », assure pour sa part dans une note Jean-Dominique Giuliani, président de la fondation Robert Schuman.
A quelques jours du premier tour, M. Mélenchon s’est voulu d’ailleurs rassurant, affirmant qu’il ne souhaitait sortir ni de l’Europe ni de l’euro. Quant à Marine Le Pen, elle a recentré son discours sur les fondamentaux du FN: l’immigration et la sécurité.
Dans le camp « pro-européen », le centriste Emmanuel Macron, qui affirme avoir l' »Europe au coeur, mais pas l’Europe naïve », et le conservateur François Fillon, ont tous deux été reçus par Angela Merkel pendant la campagne. Macron prône le renforcement de la zone euro et reste le seul candidat favorable au CETA, le traité de libre échange entre l’UE et le Canada. Fillon, plus souverainiste, souhaite un rééquilibre des pouvoirs entre les institutions de Bruxelles et les États membres. Mais les deux hommes représentent la continuité.
Trop, aux yeux de certains comme Jean-Dominique Giuliani, qui déplore « les propositions bien peu imaginatives » avancées pour relancer l’UE et plaide pour un « retour de la France en Europe ».
Avec AFP