A neuf jours de la présidentielle, le calendrier des affaires continue de se télescoper avec la campagne: la justice a demandé la levée de l’immunité d’eurodéputée de Marine Le Pen, visée par une enquête sur des soupçons d’emplois fictifs d’assistants du Front national au Parlement européen.
Les juges d’instruction financiers ont adressé des demandes de levée d’immunité parlementaire de Marine Le Pen et d’une autre députée européenne frontiste, Marie-Christine Boutonnet, qui ont été signées respectivement les 29 et 30 mars, a affirmé vendredi une source judiciaire à l’AFP, confirmant une information d’Europe 1.
« C’est normal, c’est la procédure tout à fait classique, je suis pas étonnée », a réagi la candidate du parti d’extrême droite à la présidentielle sur franceinfo.
Son avocat Rodolphe Bosselut s’en est en revanche « étonné » auprès de l’AFP, « puisqu’il y avait l’engagement pris par Marine Le Pen de se présenter devant les juges après les législatives, sous réserve des résultats de l’élection présidentielle ».
Selon une source proche du dossier, « ces demandes sont motivées sur le fond et sur le refus des personnes de comparaître ».
La candidate frontiste, qui reste dans le duo de tête des intentions de vote pour le premier tour, avait en effet invoqué son immunité parlementaire pour refuser de se rendre, le 10 mars, à une convocation des juges en vue d’une possible mise en examen dans ce dossier.
Marie-Christine Boutonnet n’avait pas non plus répondu à une convocation début mars chez les juges, qui enquêtent sur un éventuel système organisé par le FN pour rémunérer des permanents du parti avec des fonds publics de l’Union européenne, via ces contrats d’assistants au Parlement européen.
« Les magistrats instructeurs ont tiré toutes les conséquences qui s’imposaient de la décision de Marine Le Pen de ne pas répondre à leur convocation », a déclaré à l’AFP Patrick Maisonneuve, avocat du Parlement européen qui s’est constitué partie civile. « Il va falloir qu’elle réponde à un moment ou un autre des indices graves ou concordants recueillis par les magistrats. »
– Pas avant la présidentielle –
La demande des juges ne devrait pas aboutir avant la présidentielle: en 2016, l’examen de la quinzaine de demandes de levée d’immunité reçues au Parlement européen a pris entre quatre et huit mois. Les requêtes des juges français devaient notamment transiter, comme le veut la procédure, par la Chancellerie avant d’être envoyées au Parlement de Strasbourg.
Selon une source proche du dossier, elles ne sont pas encore arrivées devant la commission des affaires juridiques du Parlement, chargée de se prononcer pour ou contre la levée de l’immunité lors d’un vote au terme d’un débat, avant un second vote décisif en assemblée plénière. La présidente du FN devrait vraisemblablement être convoquée au cours de cette procédure pour s’expliquer devant cette commission.
Dans cette affaire, les juges ont déjà mis en examen pour « recel d’abus de confiance » deux assistants parlementaires, Charles Hourcade, un temps employé comme graphiste au siège français du parti, ainsi que Catherine Griset, recensée comme chef de cabinet de Marine Le Pen au FN.
Le candidat de la droite à l’Elysée, François Fillon, dont la campagne est également empoisonnée par l’affaire judiciaire sur des soupçons d’emplois fictifs de son épouse et de ses enfants comme assistants parlementaires, avait, lui, choisi de se rendre chez les juges tout en dénonçant une « machination ».
« On ne peut pas être président de la République si on ne respecte pas les institutions », a estimé vendredi Nicolas Dupont-Aignan, autre candidat à la présidentielle, sur BFMTV-RMC: « Que la justice passe, que les hommes politiques respectent la justice et que la justice respecte les hommes politiques, dans le respect des lois et la présomption d’innocence, pour que tout se passe de manière apaisée ».
Contrairement à un justiciable ordinaire, un député européen ne peut être contraint à se présenter devant les juges.
Si l’immunité parlementaire ne protège pas un député d’une mise en examen, elle doit être levée pour permettre des mesures coercitives (contrôle judiciaire, garde à vue ou mandat d’amener devant un juge d’instruction). Cela a été effectué dans un autre dossier, où il est reproché à la présidente du FN d’avoir diffusé sur Twitter des images d’exactions du groupe jihadiste Etat islamique.
Avec AFP