Dans l’ombre de la présidentielle, les législatives des 11 et 18 juin en seront un troisième tour décisif et au résultat imprévisible, avec une possible recomposition politique ne garantissant pas de majorité.
A deux mois du scrutin, les états-majors se perdent en conjectures. « On est en train de scruter la boule de cristal. Il y a tellement de configurations possibles, on entre dans de l’inédit total », soupire un responsable PS.
Cinq semaines après le second tour de la présidentielle, les législatives seront largement tributaires de son résultat. Les Français donnent habituellement une majorité au président comme après la réélection de Jacques Chirac en 2002, la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007 ou celle de François Hollande en 2012.
Mais ce schéma, qui cadrait avec une alternance classique droite-gauche, résisterait-il à l’élection d’Emmanuel Macron avec son jeune parti? De Marine Le Pen alors que le Front national, handicapé par son isolement dans un scrutin majoritaire, n’a pu faire élire que deux députés en 2012 ? Voire de Jean-Luc Mélenchon, qui a investi des « insoumis » contre des communistes sortants ?
François Fillon dit être le seul capable « d’avoir une majorité stable » grâce à l’alliance avec l’UDI dans plus de 90% des 577 circonscriptions. En cas de défaite, certains LR imaginent que la droite restera suffisamment forte et unie pour imposer une cohabitation si le candidat d’En Marche! l’emporte.
Emmanuel Macron rejette l’argument: « Si les Français votent pour m’élire président, ils me donneront une majorité à l’Assemblée », dit-il.
Soucieux de ne pas apparaître comme un « Hollande bis », l’ancien ministre a fermé la porte jusqu’alors à tout accord d’appareil pour les législatives, hormis au MoDem de François Bayrou, au grand dam de certains PS. 9 des 14 premiers candidats En Marche! investis, affronteront des PS sortants, dont le premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis à Paris.
Sans illusions sur une victoire de Benoît Hamon, les socialistes, au bord de l’implosion, veulent éviter une Berezina façon 1993, lorsqu’ils avaient été réduits à une cinquantaine d’élus.
« Dans ce contexte de manque de repères, il y aura un avantage aux députés sortants », veut croire le responsable PS.
Si des vallsistes se verraient bien participer à une coalition avec En Marche!, des hamonistes envisagent plutôt un groupe rouge-rose-vert.
De son côté, le FN se dit prêt, en cas de victoire, à s’allier à des « patriotes » pour former une majorité. Dans tous les cas, plusieurs rivaux pensent qu’il aura un groupe (15 députés minimum), voire plusieurs dizaines d’élus.
« Avec le nombre de groupes au Parlement, la IVe République va se retrouver dans la Ve », redoute un ténor socialiste.
– Impact du non-cumul –
La participation sera aussi un facteur clef du scrutin: au-delà des deux candidats arrivés en tête, les autres doivent, pour accéder au second tour, dépasser les 12,5% des électeurs inscrits. En cas de forte abstention, ce seuil pourrait être fatal, surtout pour une gauche fragmentée.
Dans ce climat d’incertitude inédit, les candidats investis ont amorcé leur campagne.
« Ce n’est pas la même chose d’accompagner la majorité présidentielle ou non. En plus, je ne connais même pas pour l’instant le candidat En Marche!, un élu local ou quelqu’un de la société civile », témoigne Philippe Gosselin (LR, Manche), prévoyant une « campagne courte et atypique ».député
Quelle que soit sa couleur, l’Assemblée connaîtra un profond renouvellement.
Environ 150 députés ne se représentent pas. Au PS, ils seront plus de 80, dont des figures élues de longue date comme Claude Bartolone, Jean-Marc Ayrault ou Michel Sapin. Bernard Cazeneuve ne briguera pas de nouveau mandat mais pourrait mener la bataille des législatives.
Mais c’est surtout la nouvelle loi sur le non-cumul des mandats qui joue.
Chez LR, plusieurs députés ont préféré leur mairie, comme Jean-François Copé à Meaux, Benoist Apparu à Châlons-en-Champagne et Edouard Philippe au Havre, ou leur conseil départemental comme Dominique Bussereau (Charente-Maritime) et Patrick Devedjian (Hauts-de-Seine).
Des socialistes comme Carole Delga ou Alain Rousset ont choisi, eux, leurs grandes régions Occitanie et Nouvelle Aquitaine.
Avec AFP