La montée est ardue, mais le GR20, qui traverse la Corse, offre des paysages exceptionnels aux 15.000 à 20.000 randonneurs du monde entier qui le parcourent chaque été. Et quelques semaines avant l’affluence, le personnel du parc s’affaire à préparer le début de la saison.
Entre le Col de Bavella et le refuge d’I Paliri, un tronçon dans le sud du prestigieux chemin de grande randonnée qui traverse l’île, Jean Antonelli et Benoît Vesperini ont sorti la tronçonneuse et sectionnent avec application les arbres tombés sur le sentier pendant l’hiver.
Les deux hommes, guides et secouristes, font partie de l’équipe du parc naturel régional de Corse, qui compte de nombreux parcours de randonnée. Le GR20, qui traverse la Corse par sa chaîne montagneuse centrale, en est le fleuron.
La plupart des randonneurs partent du village de Calenzana (Haute-Corse), au dessus de la station balnéaire de Calvi, et rejoignent le village de Conca (Corse-du-Sud), point d’arrivée du chemin, au terme de 180 km.
Toute l’année, Jean et Benoît, 42 et 44 ans, sillonnent le parcours afin de confectionner un bulletin de risque d’avalanches et d’informer les téméraires randonneurs hivernaux des conditions d’enneigement.
Mais une grande partie du travail se fait entre avril et mai, pour préparer la saison estivale. « Nous faisons du démaquisage, du débroussaillage, nous accédons parfois à ski dans les refuges pour effectuer des réparations », précise Benoît, en repeignant une des fameuses balises rouge et blanc du sentier.
Fin mai, l’équipe ravitaille en hélicoptère les refuges, qui ne sont gardés que du 1er juin au 30 septembre. « Il faut apporter le gaz, les produits d’entretien, faire quelques petits travaux de réfection, et en fin de saison, il faut tout redescendre en hélicoptère », explique Jean.
– ‘Une réputation mythique’ –
A partir de 2018, le parc débutera la réfection ou la reconstruction de l’intégralité des refuges – construits dans les années 1970 et dont la plupart n’ont pas d’eau chaude – au rythme d’un refuge par an, avec un budget d’un million d’euros par refuge.
« Avant, il fallait faire le GR en autonomie totale, il n’y avait pas de ravitaillement. Depuis le début des années 2000, il y a des refuges gardés, de la restauration, la possibilité de réserver sur internet. Cela permet aux randonneurs de faire le GR avec 8 kg sur le dos plutôt que 14 kg, et ce n’est pas la même chose », détaille Jean.
« Le GR s’est beaucoup démocratisé, il est devenu consommable, des gens peuvent le faire qui ne sont pas forcément des montagnards », affirment les deux guides.
« Aujourd’hui, on aseptise le circuit, on met des chaînes à des endroits pas durs, on s’adapte à la demande » croissante pour ce parc, qui est géré par un syndicat mixte comprenant plusieurs collectivités territoriales.
Mais le circuit reste loin d’être anodin. « Il a une réputation mythique, c’est le plus dur d’Europe physiquement, au niveau du dénivelé, avec des passages alpins très techniques. Beaucoup de gens abandonnent à Asco, la troisième étape en partant du nord, car ils sous-estiment le niveau », détaille Jean.
En 2015, six randonneurs français et un Belge sont morts, emportés par un glissement de terrain causé par un violent orage dans le cirque de I Cascittoni, surnommé »cirque de la solitude », le passage le plus difficile de ce GR, à 2.000 m d’altitude.
« Nous sommes des montagnards avant tout, donc on a été très touchés. Une famille a pris contact avec nous, on leur a permis de voir le lieu », se souviennent les deux guides.
Après l’accident, l’équipe a fermé le parcours, en rétablissant un parcours alternatif. « C’était un endroit mythique. Ça a été dur, car des gens ne venaient que pour le cirque. Mais ils ont vite compris qu’il n’y avait pas d’autre solution. La nouvelle étape est plus longue, moins technique, plus belle ».
Avec AFP