Derrière la bataille politique, les législatives sont un enjeu financier pour les partis, petits ou grands, aux dotations calculées en fonction de leur résultat à ces élections, d’où une multiplication des candidatures et des querelles d’étiquette.
Pour ces législatives, les candidats ont, lors de leur dépôt de dossier en préfecture, la possibilité de se rattacher à l’un des… 61 partis, dont une quinzaine outremer, figurant sur la liste publiée le 10 mai par le ministère de l’Intérieur.
Pour le député PS René Dosière, spécialiste du financement politique, ce nombre élevé est dû « avant tout au fait que, depuis 1988, les aides publiques aux partis sont calculées sur la base de leur résultat au premier tour des législatives ».
Pendant cinq ans, un parti reçoit 1,42 euro par an et par voix s’il a passé le seuil de 1% des suffrages exprimés dans 50 circonscriptions en métropole (en outremer, il suffit d’un seul candidat, d’où la prolifération des étiquettes).
En conséquence, pour le chercheur Abel François, co-auteur d’un livre sur « le financement de la vie politique », les partis « ont intérêt à être présents dans le maximum de circonscriptions » et le nombre de candidats « a explosé » depuis 1988, en passant en moyenne de cinq à onze par circonscription.
« Il y a un effet d’aubaine » constate-t-il, M. Dosière citant le cas du « Trèfle », un parti « aux activités inexistantes » qui, fort de ses 70.000 voix en 2012, reçoit depuis 92.000 euros par an.
Mais durcir cette législation, comme le préconise M. Dosière, « rendrait plus difficile l’émergence de nouvelles forces politiques », souligne M. François.
A côté des formations classiques, on trouvera donc à nouveau cette année une myriade de noms peu connus, depuis « le Parti animaliste » jusqu’à « l’Alliance royale » en passant par « la Caisse claire », étiquette commune de plusieurs mouvements alternatifs comme la Relève citoyenne et le Parti pirate.
– 40 à 50% du budget –
Outre cette première aide, les partis en reçoivent une deuxième, proportionnelle au nombre de parlementaires qui déclarent chaque année s’y rattacher (37.443 euros par an par député ou sénateur).
En 2016, le montant total de l’aide publique s’est ainsi élevé à 63,1 millions d’euros dont 28,8 pour la première fraction et 34,3 pour la seconde.
Les principaux bénéficiaires étaient le PS (24,9 millions avec 398 élus) et LR (18,6 avec 334 élus) loin devant le FN (5,1 avec 4 élus), le PCF (2,9 avec 26 élus) et EELV (2,8 avec 19 élus).
Selon M. Dosière, cela représentait entre 40 et 50% des budgets du PS, de LR, du FN et d’EELV, loin devant les autres ressources (cotisations des élus et des adhérents, dons des particuliers).
Et encore, LR a-t-il été privé de 3,6 millions d’euros par an pour n’avoir pas respecté la parité en présentant seulement 129 candidates sur 577. Face à la menace d’une facture encore plus lourde, les pénalités ayant été doublées, LR a investi cette année plus de 200 candidates mais sans atteindre encore la parité.
Pour Abel François, ce financement public est « l’une des causes principales » des bras de fer autour des investitures entre la France insoumise et le Parti communiste ou entre la République en marche et le MoDem.
« Cela va les faire vivre pendant cinq ans donc c’est un élément très important dans la négociation des coalitions électorales », souligne-t-il.
Car, si un candidat peut être investi par plusieurs partis (comme LR et UDI), il ne pourra s’en rattacher qu’à un seul, peu importe qu’il en soit adhérent ou pas.
Le PCF refuse donc de signer comme le réclame la formation mélenchoniste une « charte » dans laquelle il s’engagerait notamment à ce que ses candidats dépendent de l’association de financement de La France insoumise. « Je préférerais travailler avec des gens qui proposeraient un accord loyal, y compris sur la question financière », a ainsi déclaré son secrétaire national Pierre Laurent.
En 2012, « on avait déjà vu des tensions sur l’argent mais cela se passait à l’intérieur des familles comme entre PS et radicaux de gauche. Cette fois-ci, les coalitions sont rebattues donc cela apparaît plus frontalement », souligne M. François.
Avec AFP