Une bonne dose d’intuition, une part de risque et un joli concours de circonstances ont conduit Emmanuel Macron à l’Elysée en empruntant la voie express, quelques mois après avoir lancé son parti et chamboulé le paysage politique, à 39 ans seulement.
Avant de devenir dimanche le huitième président de la Ve République, Emmanuel Macron a suivi la trajectoire météorique d’un objet politique longtemps non identifié, à la fois pur produit du système mais « anti-système » revendiqué, conformiste et audacieux, « ni de droite, ni de gauche ».
Le plus jeune président de la République française le sait, les chantiers qui l’attendent sont immenses.
« Nous sommes condamnés à réussir! », a lancé samedi aux candidats appelés à constituer sa majorité celui qui s’est fixé pour objectif « que plus personne ne se tourne vers les extrêmes ».
« Je pense qu’on ne se prépare jamais à cette fonction », avait admis cet ancien banquier d’affaires chez Rothschild, quelques jours après son élection.
Le soir du second tour, il a d’ailleurs semblé d’un coup porter le poids de ses nouvelles responsabilités lors d’un premier discours à la tonalité grave à l’annonce de sa victoire.
Education bourgeoise chez les jésuites à Amiens, nez dans les livres auprès de sa grand-mère directrice de collège, c’est un élève modèle mais aussi rebelle. Qu’il s’agisse de décider, seul, de se faire baptiser à l’âge de 12 ans, ou de défier les conventions pour épouser Brigitte Trogneux, sa professeure de théâtre au lycée, de 24 ans son aînée.
Avec Sciences-Po Paris, un diplôme de philosophie, l’ENA promotion Sedar-Senghor puis l’Inspection générale des finances, il a attiré l’oeil de ses premiers mentors politiques: Jacques Attali en 2007; puis François Hollande, qui le nomma secrétaire général adjoint de l’Elysée en 2012 et le propulsa à Bercy à l’été 2014.
Puis ses « intuitions » ont impressionné, dans son premier cercle comme chez ses adversaires.
« Je pense que Macron a eu l’intuition, précisément parce qu’il était extérieur à la vie politique traditionnelle, que les partis de gouvernement avaient créé leurs propres faiblesses, avaient perdu leur propre attractivité, étaient, pour reprendre un vieux mot, usés, fatigués, vieillis », confiait récemment François Hollande.
Et « il a eu cette intuition de créer En Marche ! quand il a élaboré sa loi » adoptée par 49-3 à l’été 2015, se souvient le député PS Richard Ferrand.
C’est en défendant ce texte fourre-tout, qui a, entre autres, développé le travail du dimanche et libéralisé le transport en autocar, qu' »il a constaté les scléroses du pays », souligne ce soutien de la première heure, secrétaire général du mouvement lancé le 6 avril 2016.
A la tête de sa petite entreprise politique siglée de ses initiales, Emmanuel Macron a affiché de plus en plus ostensiblement ses ambitions, avec un fervent meeting fondateur à La Mutualité le 12 juillet 2016, devant 3.000 personnes.
– Alignement des planètes –
Il a su après « prendre son risque », comme il aime à le dire, en démissionnant de Bercy pour se lancer vers l’Elysée avec une petite poignée de soutiens.
Les planètes se sont ensuite parfaitement alignées. La primaire de la droite puis celle de la gauche lui ont dégagé un boulevard au centre, et l’affaire Fillon a entamé les chances de son concurrent potentiellement le plus dangereux.
Et comme il l’avait pressenti, François Hollande, dont il est autant l’héritier que le parricide, s’est entre-temps retrouvé dans l’incapacité de se présenter.
A mesure de son ascension dans les sondages, Emmanuel Macron, regard bleu et sourire accroché au visage, s’est laissé gagner par la ferveur des réunions publiques, s’attardant sur scène, se délectant des « Macron président ! », au point que ses adversaires ont parfois moqué des attitudes « christiques ».
Lui a répondu en prônant la « bienveillance », refusant de faire siffler ses concurrents en meeting, et même encore devant la pyramide du Louvre le 7 mai, pour préparer le rassemblement qu’il veut maintenant réaliser.
En campagne il a évité les faux pas majeurs, malgré quelques déclarations polémiques, des « erreurs » qu’il « assume », comme lorsqu’il avait jugé en février que la colonisation avait été un « crime contre l’humanité ».
Désormais, il revendique de porter avec lui « une part irréductible de la colère du peuple français », fruit d’une campagne « au contact » sur le terrain où il a défendu pied à pied son projet axé sur deux piliers: « libérer » l’économie et en même temps « protéger » les moins armés.
Il devra désormais l’appliquer dans un contexte difficile et un environnement nouveau pour lui.
« Beaucoup de gens parlent, j’écoute, j’entends mais je suis frappé de voir qu’à mesure qu’on avance sur ce chemin, on est de plus en plus seul », soulignait-il peu avant sa victoire.
Avec AFP