Pas d’investiture aux législatives pour Manuel Valls, mais pas de candidat République En Marche face à lui : Emmanuel Macron a laissé la voie libre jeudi à l’ancien Premier ministre, qui garde ainsi de bonnes chances de rester député.
« On ne claque pas la porte au nez à un ancien Premier ministre qui nous dit +j’ai envie de vous rejoindre et être utile+ », a justifié le lieutenant du président élu, Richard Ferrand, lui même ex-PS.
Manuel Valls a « salué » cette décision dans un communiqué, précisant qu’il se présenterait en « homme libre » dans la première circonscription de l’Essonne.
« Quelques cas » délicats d’investiture, dont celui de M. Valls, « ont été soumis » à M. Macron en personne, a indiqué le secrétaire général de la REM, en présentant une liste de 428 investis, sur 577.
L’ancien Premier ministre PS, fustigé par la grande majorité de son parti pour avoir sollicité une candidature sous les couleurs de la majorité présidentielle, n’a pas été retenu parce qu’il ne répondait pas aux « critères ».
A savoir : pas d’investiture pour un candidat ayant déjà exercé trois mandats, selon M. Ferrand. M. Valls ne souhaitait pas non plus adhérer à En Marche!, autre préalable.
Au terme d’un feuilleton de trois ans de rivalité croissante et de vives tensions entre les deux hommes, qui ne se sont pas parlé depuis des mois, l’avenir politique de l’ancien Premier ministre se retrouvait en grande partie entre les mains de M. Macron.
Dans sa première circonscription de l’Essonne, Jean-Luc Mélenchon était arrivé en tête au premier tour de la présidentielle (29,69%), devant Emmanuel Macron (25,24%) pour lequel avait appelé à voter M. Valls, augurant d’une élection difficile pour ce dernier.
Au total, entre 80 et 100 députés PS sortants ont déposé formellement une demande, selon des sources dans le camp Macron. Au final, seulement une vingtaine l’a obtenue jeudi.
– Inversion des rôles –
L’inversion des rôles est spectaculaire : fin août 2014, après l’éviction du gouvernement de l’aile gauche du PS, c’est Manuel Valls, alors au faîte de sa puissance, qui pousse François Hollande à nommer Emmanuel Macron, 36 ans seulement, au ministère de l’Économie, selon des sources concordantes.
Un mois plus tôt, ce dernier, encore inconnu du grand public, a quitté son poste de secrétaire général adjoint à l’Élysée pour s’éloigner du monde politique : il souhaite alors créer une société, ou même donner des cours à l’étranger. Sa nomination à Bercy remet le jeune sur-diplômé en pleine lumière.
A l’époque, le Premier ministre théorise dans L’Obs ce qui ressemble beaucoup au mouvement « En Marche! » que lancera M. Macron deux ans plus tard : une « maison commune des progressistes », ouverte vers François Bayrou et le centre-droit, qui ne s’appellerait plus Parti socialiste.
« Macron m’a pris l’idée du dépassement », a d’ailleurs reconnu M. Valls devant ses proches en février, après sa lourde défaite à la primaire socialiste.
La bonne entente de départ s’était fissurée une première fois le 17 février 2015, jour de vote prévue de la très disputée loi Macron, que le jeune ministre a été défendre des nuits durant à l’Assemblée.
Quelques minutes avant le vote, le pointage de Matignon ne donne que quelques voix d’avance. Face à l’incertitude sur le vote de quatre députés PS et des députés UDI, M. Valls décide de ne pas prendre de risque et d’utiliser le « 49-3 », sans vote.
« S’il y a un moteur à l’affranchissement politique de Macron, il est là », souligne le député PS pro-Macron Christophe Castaner.
La tension monte encore d’un cran quand la « loi Macron 2 », « Noé », est éparpillée début 2016 dans d’autres textes, dont la très contestée loi Travail. « Une dague plantée » par M. Valls, « avec l’aval de M. Hollande », selon un proche de M. Macron.
Le duel atteindra son paroxysme quelques mois plus tard, avec la création d’En Marche! et un premier meeting de M. Macron à Paris, où transparaît son ambition présidentielle.
Avec AFP