Fragilisée par le vote en faveur du Brexit et la percée des populistes dans les Etats membres, l’UE veut puiser des forces dans la victoire d’Emmanuel Macron, europhile convaincu, à l’élection présidentielle française.
« Heureux » que les Français aient choisi dimanche un « avenir européen »: le président de la Commission Jean-Claude Juncker a exprimé dans son message de félicitations au nouveau président son envie de collaboration « fructueuse » en faveur d’une « Europe qui protège et défend » les citoyens.
Son collègue à la tête du Parlement européen, Antonio Tajani, a immédiatement appelé à un travail commun pour « moderniser » l’Europe.
« La tâche ne sera pas facile », tempère toutefois dans une note Charles Lichfield, analyste pour la firme de conseil Eurasia Group.
Cette victoire contre Marine Le Pen « laisse Macron dans une position vulnérable. Il s’est élevé contre les attaques de Le Pen à l’encontre de la mondialisation, de l’UE et de l’+ouverture+, il est maintenant de sa responsabilité de démontrer que cela en valait la peine », explique M. Lichfield.
Alors, pour prévenir les risques d’un « retour de bâton nationaliste », selon l’expression du chercheur Robin Huguenot-Noël, de l’European Policy Centre (EPC), Emmanuel Macron devra démontrer que l’adhésion à l’UE « peut aussi être un outil efficace pour gérer les forces négatives de la mondialisation ».
– Une Europe qui protège –
Le jeune président élu – qui a célébré sa victoire devant ses partisans au son de l’hymne européen, « L’Ode à la Joie » de Beethoven – semble avoir tenu compte du scepticisme croissant de l’opinion publique face au libéralisme économique, qui s’est exprimé avec la négociation du CETA, l’accord de libre-échange entre le Canada et l’UE. Il a ainsi proposé d’inclure dans tous les accords commerciaux de l’UE « un volet de coopération fiscale ainsi que des clauses sociales et environnementales contraignantes ».
Il a encore promis d’exiger la mise en place d’un socle de droits sociaux européens qui définira « des standards minima en matière de droits à la formation, de couverture santé, d’assurance chômage ou de salaire minimum ».
Tout en rejetant le protectionnisme, M. Macron a défendu « une Europe qui protège de la mondialisation », en prônant par exemple le renforcement des instruments anti-dumping, en particulier contre l’acier chinois.
Pour la politologue Amandine Crespy, de l’Institut d’Etudes européenne de l’ULB (Université libre de Bruxelles), M. Macron propose « plutôt un approfondissement de ce qui existe déjà et qui pourrait selon lui permettre à l’UE de mieux fonctionner ».
La logique du nouveau président, qui estime que la France doit être forte économiquement pour pouvoir l’être politiquement et faire « contrepoids » au sein de l’Union en partenariat avec l’Allemagne, trouve écho chez nombre de ses collègues européens, note-t-elle.
La chancelière allemande Angela Merkel a appelé Emmanuel Macron pour le « féliciter chaleureusement » après avoir salué « une victoire pour une Europe forte et unie et pour l’amitié franco-allemande ».
Dans une lettre de félicitations, Jean-Claude Juncker a relevé que le débat sur la place de la France dans l’Europe pendant la campagne présidentielle avait « résonné bien au-delà » des frontières du pays, en vertu du lien « étroit » entre l’histoire de la construction de l’UE et celle de la France.
– France plus forte, UE plus forte –
« C’est un programme de réformes qui entre en adéquation quasi parfaitement avec le cadre européen. C’est pour cela que son élection rassure et qu’on se dit que, enfin, comme d’autres pays l’ont fait, la France va faire ses réformes fiscales, de son système social, de son marché de l’emploi, qui vont permettre surtout de pallier le problème du chômage – qui est le principal problème français », analyse Amandine Crespy.
Le programme d’Emmanuel Macron en matière d’énergie, de numérique, ou même ses propositions sur la défense, reprennent des idées déjà dans l’air à Bruxelles.
Sa volonté de se conformer au Pacte européen de croissance et de stabilité devrait satisfaire les institutions.
Sa proposition la plus « révolutionnaire » est de créer un budget de la zone euro, accompagné d’un ministre de l’Economie et des Finances de la zone euro, sous le contrôle d’un Parlement de la zone euro. Soit « un vrai gouvernement économique, quelque chose que la France réclame depuis bien longtemps », observe la politologue de l’ULB.
« Sa capacité à véritablement l’imposer, et pour quels résultats, reste très incertaine », nuance-t-elle cependant.
Pour Robin Huguenot-Noël, les ambitions d’Emmanuel Macron pourrait bien se heurter à des partenaires européens qui ont d’autres priorités en tête, migration et sécurité notamment.
Avec AFP