Emmanuel Macron est-il l’héritier politique de François Hollande ? L’ex-ministre de l’Economie a certes construit son ascension en rompant avec celui qui l’avait nommé à Bercy, mais entre les deux hommes, la filiation est évidente pour nombre de ses détracteurs comme de ses soutiens.
L’argument a fait florès pendant la campagne présidentielle: « Emmanuel Hollande » pour François Fillon, « Hollande junior » pour Marine Le Pen, le nouveau président a été décrit comme « l’héritier naturel » de M. Hollande par Raquel Garrido (La France insoumise) ou comme son « fils spirituel » par Aquilino Morelle, proche d’Arnaud Montebourg.
M. Macron a répliqué en rappelant sa démarche: « J’ai participé (au gouvernement), je n’étais pas d’accord et j’en suis sorti », a-t-il lancé à Mme Le Pen. Ce qu’il fait, « ce n’est pas la continuité de la démarche actuelle du gouvernement », a-t-il répondu à François Fillon.
– Les ‘transcourants’ au côté de M. Macron –
M. Macron a beau avoir « trahi avec méthode » le chef de l’Etat, cela n’a pas empêché ce dernier de reconnaître en lui son digne rejeton: « Emmanuel Macron, c’est moi », a confié François Hollande à Gérard Davet et Fabrice Lhomme (« Un président ne devrait pas dire ça », p.357).
Conseiller de François Hollande pendant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron est devenu en 2012 son secrétaire général adjoint de l’Elysée, puis son ministre de l’Economie en 2014.
Mais la filiation entre les deux hommes va chercher plus loin, du côté des « transcourants », ce club dirigé dans les années 1980 par François Hollande, Jean-Pierre Jouyet, Jean-Yves Le Drian et Jean-Pierre Mignard -tous rangés plus ou moins ouvertement au côté de M. Macron dès avant le premier tour de la présidentielle.
En 1985, tous quatre avaient signé avec Jean-Michel Gaillard (décédé en 2005) un ouvrage, « La gauche bouge », qui rappelle par bien des points le programme économique de M. Macron: volonté de réduire les charges fiscales et sociales pesant sur le coût du travail, d’encourager la flexibilité du marché du travail, de lever « les barrières qui protègent les secteurs assistés »…
« Notre projet était une sociale-démocratie libérée des dogmes, une société créatrice de richesses, la valorisation des talents individuelles, (…) la mondialisation, perçue comme une chance, et l’Europe, surtout l’Europe », explique à l’AFP Jean-Pierre Mignard.
« Nous invitions à Lorient (ville dont M. Le Drian a été maire de 1981 à 1998, NDLR), avec Jacques Delors (…) de nombreux responsables de gauche mais aussi toujours des responsables de droite et du centre (…) Dans ce sens, Emmanuel Macron réalise trente ans après une partie de ce que nous souhaitions, l’autre partie lui revenant en propre », poursuit-il.
– ‘Rêves inavoués’ –
Libéralisme assumé, volonté de s’affranchir du clivage droite-gauche: les germes du « macronisme » étaient déjà là, même si M. Hollande lui-même n’est pas parvenu ou n’a pas voulu aller au bout de ce projet, se faisant élire sur un programme plus marqué à gauche, dans le cadre d’une union de la gauche.
Un choix qui l’a contraint, toujours selon M. Mignard, à « mener une politique économique en contrebande », « sans clarté, sans explication, qui mécontente tout le monde parce que personne ne comprend de quoi il s’agit ».
C’est avec cette stratégie de conquête et d’exercice du pourvoir qu’a voulu rompre M. Macron. « Les gens ne comprennent plus qu’on exacerbe artificiellement les différences le temps de la campagne pour ensuite prétendre s’arranger pour gouverner. Moi non plus », expliquait-il en avril 2016, quelques jours après le lancement de son mouvement.
« Tout au long de son quinquennat, l’actuel président a continué de cultiver discrètement le mythe de l’union de la gauche (…) Il est resté (…) le bricoleur d’un arrangement boiteux et chaotique entre économie de marché et accroissement continu de la pesée fiscale et réglementaire de l’Etat (…) Cet héritage-là, M. Macron le récuse en bloc », soulignait il y a quelques jours auprès du Monde l’ancien député européen centriste Jean-Louis Bourlanges, rallié à M. Macron.
« Peut-être Emmanuel Macron est-il l’homme qui accomplira les rêves inavoués de son prédécesseur », ajoutait-il.
Avec AFP